Quand le secteur informel domine l’économie africaine

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Constitué essentiellement des très petites entreprises non enregistrées dans les répertoires officiels, le secteur informel contribue jusqu’à 65 % du PIB de plusieurs Etats.

La très petite entreprise est assez présente en Afrique. Peu structurée, elle produit et commercialise ses biens sans toutefois être reconnue des structures d’encadrement dédiées aux entreprises, le fisc notamment. Ce qui en fait une entreprise informelle. Les petites entreprises composent essentiellement le secteur informel, au point où en Afrique, parler de ce secteur revient à parler des petites et très petites entreprises, et non nécessairement des activités de production ou de commercialisation illicites ou illégales. Les activités informelles sont généralement la maçonnerie, la ferraillerie, la tannerie, le commerce ambulant, les services de transport,  les soins de beauté, la restauration, la couture… Mais quels impacts ont-elles réellement sur l’économie africaine?

Jusqu’à 65 % de richesses dans certains pays

Les très petites entreprises sont si prospères en Afrique qu’elles produisent jusqu’à 65 % du PIB de certains pays. C’est ce que révèle le Fonds monétaire international dans une étude menée en 2017 sur la force de l’économie informelle en Afrique. Selon l’institution, le marché informel représente entre 20 et 65% du PIB des pays d’Afrique subsaharienne. Elle indique par ailleurs que, dans les pays comme l’Afrique du Sud ou encore la Namibie, l’économie informelle varie entre 20 et 25% du PIB, tandis que dans d’autres comme le Bénin, le Nigéria, la Tanzanie, le Cameroun, le Sénégal, elle varie entre 50 et 65% du PIB. Soit donc une moyenne d’environ 40% du PIB des pays à faibles revenus et environ 35% pour les pays à revenus intermédiaires. L’Afrique subsaharienne est l’une des régions où l’économie informelle pèse le plus avec la moyenne d’environ 38% du PIB entre 2010 et 2014, contre 34% pour l’Asie du sud-est et 23% pour l’Europe. Selon une statistique de la Banque africaine de développement, le secteur informel représente en tout, 55% du PIB cumulé des pays d’Afrique subsaharienne. 

Le secteur informel génère au moins 60 % des emplois sur le continent  

Parce que le secteur informel crée cette richesse, il est tout juste qu’il emploie également presqu’autant. Selon des statistiques fournies en 2019 par la Banque africaine de développement, la majorité des emplois créés proviennent de l’informel. Le secteur représente jusqu’à 60, voire 70% des emplois dans certains pays, et les proportions peuvent même atteindre les 80 et 90 %. La BAD de préciser qu’en Afrique subsaharienne, le secteur informel représente plus de 80% de l’emploi total pour les femmes et plus de 60% pour les hommes. Au niveau de la Banque mondiale, les statistiques de 2019 sur le développement dans le monde montre un secteur pourvoyeur de 70 % des emplois dans la même région. Au Sénégal et selon la même source, 97% des créations d’emploi proviennent de l’informel. Au Bénin, et pour sa seule capitale Cotonou,  90% des activités menées proviennent de l’informel et créent jusqu’à 97% des emplois, renseigne un récent rapport du Bureau international du Travail. Au Togo, ce secteur regroupe environ 80% de la population active. En Afrique de l’Ouest, l’informel représenterait environ 75% des emplois. Des études réalisées par l’institut national des statistiques démontrent qu’environ 80% de la population active guinéenne évolue dans l’informel. C’est dire le poids qu’occupe le secteur dans les économies africaines.

Formaliser l’informel, un défi à relever

Le secteur informel est une importante source d’emploi et de revenu en Afrique. Il est flexible, s’adapte rapidement aux besoins de son marché et au changement de la demande, facilite la création d’emplois et n’est entravé par aucune barrière réglementaire. L’informel a donc un rôle non négligeable sur le continent, il permet l’inclusion sociale, économique et même psychologique. Comprendre ces dynamiques devient important pour les politiques et pour les Etats pour réaliser la transformation structurelle des économies et créer des activités plus productives et génératrices de croissance. Seul hic, les très petites entreprises ne tiennent pas de comptabilité fiable, ce qui rend difficile, voire impossible, la quantification de leur apport à l’économie des pays d’abord (manque à gagner fiscal, manque à gagner sur le volet cotisations sociales), mais en plus, ne facilite pas l’amélioration du climat des affaires, fragilise la position des pays africains dans le monde des affaires. L’expansion de l’informel ne favorise pas l’attractivité économique en Afrique, a un impact négatif sur la compétitivité des entreprises, limite le potentiel de développement des économies africaines, et entretient le déficit de la balance commercial, car les entreprises du secteur informel ne peuvent pas exporter.
Même s’il présente certains aspects négatifs, le secteur informel est un levier de croissance en Afrique. Il fonctionne comme un amortisseur social. Le fait qu’il échappe encore aux statistiques officielles amenuise son apport réel à l’économie des pays, et mieux, ne facilite pas son encadrement. S’il est vrai que le secteur informel recule en fonction de la hausse du niveau de revenu, il devient impératif pour les Etats de formaliser ces activités afin de les rendre plus profitables au citoyen et à l’Etat. Pour cela, des initiatives telles que l’allègement des charges fiscales et sociales, l’amélioration de la qualité des institutions (système judiciaire, bureaucratie excessive, manque de transparence, difficultés d’accès au crédit…) pourraient dans un premier temps freiner la ruée observée vers le secteur informel, du fait des charges fiscales, préconisent généralement les économistes.

Canicha Djakba

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