En se basant sur l’étude sur le secteur bancaire africain de la Banque européenne d’investissement (BEI), publiée en octobre 2022 et menée en partenariat avec Making Finance Work for Africa (MFW4A), et sur les données du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et de Moody’s Analytics BankFocus, Makers Africa a identifié les pays africains champions de la bancarisation, mais aussi les plus dynamiques dans le domaine de la banque numérique ou néobanque.
(Lire la 1ère partie de l’article)
En matière d’intégration financière et de bancarisation, l’Afrique subsaharienne est encore à la traine comparée à d’autres régions du monde. Elle présente un taux de bancarisation de 34%, si l’Afrique du Nord, pour ne citer que cette zone, est déjà à 60%. Selon le rapport d’enquête de la Banque européenne d’investissement, l’Afrique de l’Ouest affiche le niveau d’intégration financière le plus bas. Viennent ensuite l’Afrique de l’Est et l’Afrique centrale. Quant à Afrique australe, elle est présentée comme l’exception qui confirme la règle.
Le Kenya et le Cameroun dans le top 5
En Afrique de l’Est, c’est le Kenya qui présente le meilleur taux de bancarisation et se place en quatrième position de notre classement. Le pays présente un taux global de bancarisation de près de 30%. Mais 79% des adultes ont un compte bancaire. Le secteur bancaire y est concurrentiel avec un peu plus d’une quarantaine de banques, dont les 10 premières cumulent certes 80% des actifs, mais les cinq premières atteignent à peine 60% du marché en termes d’actifs. Le Kenya se démarque aussi par le niveau de son inclusion financière. Plus de 82 % de la population a accès à des services financiers contre 43,0 % en moyenne en Afrique subsaharienne, le développement spectaculaire de la téléphonie mobile ayant permis d’étendre l’accès aux services financiers de base, notamment à travers les comptes de mobile-money.
Enfin, le Cameroun, présenté comme la locomotive économique de l’Afrique centrale, ferme le top 5 de notre classement. Le taux de bancarisation de la population active du Cameroun est passé de 17,1% en 2017 à plus de 28% actuellement, représentant une augmentation de 11,2% en valeur relative. La densité du réseau bancaire, de 0,6 agence pour 100.000 habitants en 2005, se situe aujourd’hui à 1 agence pour 100.000 habitants. Le réseau bancaire camerounais compte près de 350 agences et plus de 730 guichets automatiques.
L’Association professionnelle des établissements de crédit du Cameroun (APECCAM) indique avoir élaboré des stratégies de densification du taux de bancarisation à travers l’extension du réseau d’agences bancaires et le développement des petites et moyennes entreprises. Le Cameroun représente 28 % du produit intérieur brut (PIB) de la zone Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) et la concentration des actifs des trois principales banques y atteint 48 %.
Montée en puissance de la bancarisation numérique
En Afrique plus qu’ailleurs, le faible taux de bancarisation offre des perspectives de croissance prometteuses aux banques numériques qui sauront identifier les vrais besoins des populations et s’arrimer aux réalités locales. Bien qu’elle ne compte pour l’instant que 21 banques entièrement digitales qui servent 18 millions de clients, l’Afrique subsaharienne offre un énorme potentiel de croissance à ces nouveaux acteurs qui bouleversent la finance traditionnelle.
Si les chiffres actuels sont encore relativement faibles pour une population de plus d’un milliard d’habitants, force est de constater que le nombre de banques offrant leurs services exclusivement sur des canaux numériques ne cesse de progresser ces cinq dernières années, grâce notamment au positionnement du Nigeria comme une nouvelle plaque tournante de la banque digitale en Afrique subsaharienne. La première puissance économique du continent enregistre aujourd’hui 10 néobanques et l’Afrique du Sud en compte sept. Ces deux pays concentrent environ 80% des banques numériques actives en Afrique.
Si le nombre relativement réduit de néobanques au Sud du Sahara s’explique essentiellement par la pénétration modeste d’Internet et les lenteurs réglementaires perceptibles dans la majorité des pays de la région, les obstacles sont en train d’être surmontés progressivement. L’Afrique subsaharienne offre des perspectives de croissance prometteuses aux banques digitales qui sont à même de mieux cibler les populations mal desservies et les jeunes générations de plus en plus connectées, notamment dans des pays très peuplés comme l’Ethiopie, la Tanzanie, la République démocratique du Congo et l’Ouganda, qui affichent encore des taux de bancarisation allant de 25% à 47%.
Les banques digitales qui souhaitent s’implanter en Afrique subsaharienne misent de plus en plus sur des coûts de transferts de fonds transfrontaliers plus compétitifs pour grappiller des parts de marché aux banques traditionnelles. Selon la Banque mondiale, ces coûts s’élèvent à 8,2% en Afrique contre 5,6% en Amérique Latine et 4,9% en Asie du Sud. Les néobanques devraient, d’autre part, fournir un accès élargi au financement pour les micros, petites et moyennes entreprises (MPME), qui demeurent mal desservies par les acteurs bancaires historiques.
Sur les 44 millions de MPME formelles opérant en Afrique subsaharienne, environ 52% éprouvent des difficultés pour accéder aux crédits. Les besoins non satisfaits en financements de ce type d’entreprises sont estimés à 328 milliards de dollars. Les analystes estiment, enfin, que les acteurs régionaux et internationaux qui ciblent le marché naissant de la banque numérique en Afrique subsaharienne sont appelés à mettre en place des structures capables de s’adapter rapidement aux modifications réglementaires, au changement de comportements des clients et aux aléas conjoncturels.