Dr. Serigne Diop : “Il n’est pas question d’exporter seulement des hydrocarbures”

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A l’occasion de la tenue à Paris de l’événement Ambition Africa, le rendez-vous business de référence entre l’Afrique et la France, les 4 et 5 octobre 2022, Makers Africa est allé à la rencontre des participants. Voici l’interview accordée par le Dr. Serigne Diop, Maire de Sandiara et Ministre Conseiller à la Présidence de la République du Sénégal. L’échange a porté notamment sur l’industrialisation, la transformation digitale et les ambitions minières du Sénégal.

Makers Africa : L’Afrique veut étendre et moderniser son tissu industriel. Selon vous, le continent réunit-il les conditions pour assurer le succès d’une telle initiative ?

Dr. Serigne Diop : Nous évoluons justement dans un cadre où l’objectif et de rechercher des partenariats pour progresser dans ce domaine. Il est important que l’industrie puisse s’arrimer aux nouveaux enjeux et notamment ceux liés au développement des nouvelles technologies. Au Sénégal, nous avons une politique hardware. A titre d’exemple, nous étions partis de 5000 km de fibre optique pour arriver actuellement à 10 000 km sur l’ensemble du territoire.  C’est la partie outil, qui est très importante, car c’est la base. C’est le moyen de transport de l’information qui nous permet actuellement de proposer le wifi, le réseau 4G ou encore la technologie 5G. C’est une priorité pour nous, afin d’accélérer l’essor des secteurs clés comme l’industrie.

Au niveau du contenu, des efforts importants ont aussi été fournis. Prenons l’exemple de la finance. Vous savez que le Sénégal est aujourd’hui très connecté dans ce domaine. Les transactions financières effectuées dans le pays, grâce au mobile money opéré par des opérateurs comme Orange Money et Wave, passent désormais dans leur grande majorité par ce système. Le paiement ou le transfert d’argent, même dans les zones les plus reculées, se font par ces applications qui sont les plus courantes, mais il y a aussi les autres applications dans le domaine du commerce électronique, où vous pouvez acheter et payer à distance vos titres de transports, faire vos courses en supermarché et accéder à divers services. Ce qui nous manque maintenant, c’est un saut technologique significatif dans le domaine de l’éducation. Comment faire en sorte qu’à partir de Dakar, la capitale, l’on puisse donner des cours régulièrement à des élèves basés dans des zones éloignées de l’Est du pays par exemple. Il s’agit d’exploiter au mieux les avantages offerts par le numérique pour avancer dans le domaine pédagogique. C’est le cas aussi pour d’autres domaines comme la santé. Comment offrir des services de radiographie pulmonaire au profit des populations des régions reculées en misant sur le numérique, ce sont entre autres des questions qui intéressent particulièrement le Sénégal.

Makers Africa : Le Sénégal ambitionne de se positionner en tant que hub dans plusieurs secteurs, comme les mines. Pouvez-vous nous éclairer sur les motivations de votre pays par rapport à cette orientation ?

Dr. Serigne Diop : Vous savez certainement que le Sénégal, en plus des mines traditionnelles notamment dans le domaine aurifère, vient de découvrir des gisements de pétrole énormes. On parle également de plusieurs milliards de mètres cubes de gaz. Nous sommes en route pour devenir l’un des grands pays producteurs de pétrole et de gaz en Afrique. Ce qui nous pousse aujourd’hui à changer de paradigme en matière de gouvernance et de développement de cette industrie. Grâce au pétrole et au gaz, nous allons pouvoir nous attaquer aux facteurs limitants le développement économique comme le coût de l’énergie. Il n’est pas question d’exporter seulement des hydrocarbures. Il est indispensable d’industrialiser le secteur en créant des usines pétrochimiques pour produire du kérosène ou du gasoil, fabriquer du goudron, construire des routes, ainsi de suite.

Les nouvelles opportunités qui se dévoilent permettront aussi au Sénégal et à l’Afrique de produire de l’urée, très important pour multiplier les rendements agricoles par deux ou par trois et atteindre l’objectif d’autosuffisance alimentaire. Ce sont les grands enjeux liés à la politique de développement énergétique, sans oublier les autres filières comme le phosphate. Nous sommes le premier producteur de cette matière première en Afrique de l’Ouest. Nous avons aussi les minerais de fer à l’est du pays. Toutes ces richesses naturelles sont à exploiter de manière responsable pour que le Sénégal puisse devenir un hub régional dans le domaine de l’industrie extractive.

Makers Africa : La stratégie de développement du Sénégal repose sur l’industrie extractive. Est-ce que votre plan national prend aussi en compte la dimension du développement durable ?

Dr. Serigne Diop : Absolument, le Sénégal accorde un intérêt prioritaire au développement durable de son économie. L’exemple que l’on met en avant le plus souvent est la part des énergies renouvelables dans notre industrie et dans notre consommation énergétique en général. Nous sommes en passe d’atteindre les 2000 MW de production énergétique et il faut savoir que notre objectif est de faire en sorte que 30% de ce volume proviennent des énergies vertes comme l’éolien. Dans le Nord, le solaire est déjà très présent dans la fourniture d’énergie aux populations et aux entreprises. Je peux vous citer ici comme référence notre région du Malicounda, mais les initiatives dans ce domaine sont visibles un peu partout. Il y a aussi l’énergie hydraulique produite à partir du fleuve Sénégal. Ainsi, nos ambitions sont claires en matière de transition énergétique. Mais nous comptons aussi sur le gaz naturel pour produire de l’énergie sans pollution et positionner notre pays parmi les grands producteurs régionaux d’énergie avec une forte part d’énergie renouvelable.

Makers Africa : Le Sénégal a fait de gros efforts pour moderniser ses infrastructures mais il reste beaucoup à faire. Quelle est l’approche adoptée par votre pays pour être plus attrayant vis-à-vis des investisseurs orientés projets structurants ?

Dr. Serigne Diop : C’est justement notre objectif dans le cadre de notre participation à Ambition Africa. Nous devons mener des actions marketing ambitieuses à l’international, et au niveau territorial aussi, pour faire connaitre les potentialités nationales et locales du Sénégal. Comme moi, par exemple, j’ai la double casquette de ministre et de maire, je tiens compte de ce paramètre lors de mes rencontres avec les décideurs français, avec l’Union européenne, avec le Japon comme avec d’autres pays et organisations. Le Sénégal investit beaucoup pour capter encore plus d’investisseurs internationaux. Le travail est effectué par diverses entités dont nos ambassades, notre ministère des Affaires étrangères. Mais il faut aussi que les maires et les ministres que nous sommes puissent contribuer à matérialiser les ambitions du Sénégal dans ce domaine.

C’est dans ce sens que nous préparons, par exemple, à Sandiara, la tenue pour l’année prochaine d’un forum des investisseurs qui s’appelle « Invest in Sénégal and in Sandiara », avec l’ambassade de France justement, où nous allons faire venir les partenaires potentiels dans le domaine de l’agriculture moderne, du numérique ou encore de la logistique. Il faut que nous soyons très actifs en matière de promotion de la destination Sénégal, mais nous menons aussi des réformes importantes pour améliorer l’environnement des affaires, qu’il s’agisse du code des impôts, de l’amélioration du fonctionnement de la Justice, de voir les possibilités pour dynamiser davantage la mise en œuvre de notre politique industrielle et économique.

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