Lien source : The Conversation
Concentration sous pression, résilience face à l’échec, capacité à rebondir rapidement après une erreur : autant de compétences qui font la différence dans le sport… comme dans le monde de l’entreprise.
L’image du sportif de haut niveau est souvent réduite à sa seule capacité physique. Les médias privilégient parfois des récits anecdotiques , à l’image de cet athlète, demi-finaliste du 800 mètres aux Jeux olympiques 2024 et fonctionnaire de police, dont la presse a surtout retenu la capacité à rattraper des voleurs. Mais cette approche occulte un élément fondamental : la performance sportive ne repose pas uniquement sur la performance physique, mais sur une maîtrise mentale et émotionnelle de haut niveau.
Ancien sportif de haut niveau en judo, je m’intéresse depuis de nombreuses années à la façon dont la psychologie sportive peut aider les dirigeants et les organisations à optimiser leur performance. Pourtant, si les athlètes s’appuient sur des stratégies éprouvées pour optimiser leur mental et leur énergie, ces outils restent encore sous-exploités dans le monde du management.
Si les dirigeants et les organisations veulent optimiser leur performance, ne devraient-ils pas s’inspirer des méthodes éprouvées des athlètes de haut niveau ? Que dit la science sur cette approche ? Comment adapter ces stratégies à la réalité du management ? Et si la psychologie sportive était la clé d’un leadership plus efficace et durable ?
Rester concentré
Les recherches du professeur Orlick et son concept de « Roue de l’excellence » illustrent parfaitement la transposition des qualités de gestion émotionnelle des sportifs de haut niveau au monde du management. Grâce à cette roue, il démontre que la concentration, notamment sur ses objectifs, est une compétence essentielle pour atteindre la réussite.
Gérer son énergie, pas son temps
Plutôt que de gérer leur temps, les dirigeants gagneraient à gérer leur énergie, comme le proposent Jim Loehr et Tony Schwartz à travers le Corporate Athlete Model . Cette approche inspirée des athlètes d’élite optimise la performance des dirigeants. Elle repose sur quatre piliers essentiels :
- L’énergie physique : un corps en bonne santé est la base d’une performance durable. Sommeil, nutrition et exercice régulier ne sont pas une option, mais une nécessité.
- L’énergie émotionnelle : la capacité à cultiver des émotions positives (gratitude, optimisme) permet de mieux gérer la pression et de maintenir un état d’esprit propice à la prise de décision.
- L’énergie mentale : la concentration est une ressource précieuse. Travailler en mode monotâche et intégrer des pauses stratégiques pour améliorer la productivité et réduire la fatigue cognitive.
- L’énergie spirituelle : trouver du sens dans son travail et aligner ses actions avec ses valeurs personnelles renforce la motivation et l’engagement à long terme.
Comme un athlète alternant effort et récupération, un leader doit apprendre à optimiser ses cycles d’énergie, en travaillant par blocs de 90 minutes à 120 minutes et en intégrant des moments de ressourcement. À la clé : plus de clarté mentale, une meilleure gestion du stress et une performance accrue.
Cultiver une imagerie mentale positive
Dans le sport de haut niveau, la capacité à se représenter mentalement un scénario de réussite est une compétence clé. Les recherches de Feltz & Landerset ou Morris ont démontré que les images mentales influencent directement les performances, aussi bien chez les athlètes que dans les environnements professionnels. Dans le sport, elle est utilisée pour l’apprentissage de nouvelles compétences, la gestion de l’anxiété et le maintien de la concentration. En entreprise, la visualisation positive permet d’anticiper le succès plutôt que l’échec, en aidant à renforcer la confiance en soi et la clarté des décisions sous pression.
- Les techniques pour développer une imagerie mentale positive :
Répétition et pratique : comme un athlète s’entraîne à visualiser un mouvement avant de l’exécuter, un dirigeant peut répéter mentalement ses prises de parole, ses négociations ou ses interventions stratégiques.
Discours positif et affirmations : reformuler ses pensées internes de manière constructive pour adopter un état d’esprit gagnant.
Recadrage : transformer les situations stressantes ou les échecs en opportunités d’apprentissage.
- Les applications pratiques pour les dirigeants et managers :
Visualisez le succès : avant une réunion cruciale, prenez quelques instants pour imaginer un déroulement optimal et votre réaction face aux imprévus.
Affirmations positives : adoptez un discours intérieur motivant et évitez les pensées négatives limitantes.
Reproduire des états de performance optimale : WYSIWYG « What You See Is What You Get » comme le montre les recherches en psychologie du sport . L’image du sportif de haut niveau préparant une compétition, ce que vous visualisez dans votre esprit influence directement votre réalité. En générant des images mentales positives et alignées avec vos objectifs, vous optimisez vos chances de réussite.
Accepter l’échec comme un tremplin
Ce qui distingue les champions, ce n’est pas l’absence d’erreurs, mais leur capacité à rebondir. Cet état d’esprit, appelé « Growth Mindset » ou mentalité de croissance , issues des travaux de la professeure de psychoplogie sociale Carol Dweck repose sur l’idée que l’échec n’est pas une fin, mais une étape vers la progression.
Comme un athlète après une défaite, un dirigeant doit savoir accepter de poser un genou à terre pour analyser ce qui n’a pas fonctionné, ajuster sa stratégie et repartir plus fort. Les meilleurs dirigeants devraient en faire pour autant.
Il y a donc plusieurs aspects à adapter :
- Changer son rapport à l’échec : un tremplin, pas un mur.
Dans une mentalité figée, l’échec est synonyme d’incompétence. Dans une mentalité de croissance, il est une source d’apprentissage et de réajustement. Les leaders performants ne cherchent pas à éviter les erreurs, mais à en tirer les meilleures leçons.
- Analyser sans s’autoflageller : apprendre comme un coach.
Un entraîneur ne juge pas un athlète sur une seule contre-performance. Il identifie ce qui n’a pas fonctionné et ajuste la préparation. Un bon dirigeant doit adopter cette même approche analytique, sans tomber dans l’autocritique stérile.
- Rebondir rapidement : la clé de la résilience.
En judo, une chute n’est pas une fin, c’est une transition, le début d’une remise en question. L’important n’est pas la chute elle-même, mais la vitesse à laquelle on se remet en action. Les dirigeants résilients ne laissent pas un revers définir leur trajectoire : ils se relèvent, ajustent leur stratégie et avancent.
- Instaurer une culture de l’expérimentation : faire de l’échec un moteur d’innovation.
Dans les entreprises les plus innovantes, l’échec est intégré au processus de développement. Tester, échouer, apprendre, ajuster : c’est ce cycle qui permet l’innovation stratégique. Transformer l’échec en opportunité, c’est donner aux équipes la liberté d’explorer et de progresser.
Échouer n’est donc pas un problème. Refuser d’en tirer parti, si. Dans le sport comme dans le leadership, la différence entre un bon et un grand performer ne se joue pas sur l’absence d’échecs, mais sur la manière dont ils sont utilisés.
Dr Fabrice Lollia