Malgré une prise de conscience croissante et quelques initiatives, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) demeure encore marginale au sein des établissements bancaires de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Ce constat a été partagé par le cabinet panafricain Afrique RSE, spécialisé dans l’économie durable et organisateurs du Forum sur la durabilité des entreprises.
L’un des points les plus préoccupants relevés concerne l’intégration encore insuffisante des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans le financement des projets. « Très peu de banques de la Cemac intègrent réellement les enjeux ESG dans le financement de leurs projets. Or, c’est précisément ce volet qui constitue le cœur de leur activité », a déploré Thierry Téné, associé et directeur d’Afrique RSE. Autrement dit, les impacts environnementaux et sociaux des projets financés par les banques restent encore trop souvent relégués au second plan, au profit de critères purement financiers.
« La RSE aujourd’hui dans le secteur bancaire de l’Afrique centrale est plus une utopie qu’une réalité de manière globale. Certaines entreprises font des efforts, mais la RSE vise avant tout le consommateur, véritable moteur de la richesse », a souligné pour sa part Francis Hervé Eyalla Saba, président du Réseau national des consommateurs du Cameroun (RNC). Pour lui, l’essence de la RSE consiste à réinvestir une partie de la valeur créée dans l’amélioration du bien-être du consommateur, garant de la pérennité de l’activité économique.
Ne pas confondre marketing et RSE
Au-delà des financements, les établissements bancaires de la sous-région sont également critiqués pour leurs pratiques internes, jugées peu transparentes et insuffisamment orientées vers la durabilité. La production de rapports de durabilité, qui permettrait un suivi régulier et objectif des engagements pris, est encore très rare dans la région. Un autre sujet sensible a été mis en lumière : la communication entourant les actions dites de RSE.
Dons aux hôpitaux, financement d’infrastructures scolaires ou sanitaires… autant d’initiatives qui, selon plusieurs organisations de consommateurs, relèvent davantage du marketing que d’un engagement authentique. « Lorsqu’une entreprise construit un hôpital, elle n’a pas besoin d’en faire la publicité auprès des populations. Ce sont des actions qui devraient rester à la connaissance des partenaires et parties prenantes concernées », insiste Francis Hervé Eyalla Saba. Pour lui, la médiatisation systématique de ces initiatives en dilue la portée et décrédibilise leur crédibilité.
Pourtant, le potentiel de la RSE est indéniable. Bien mise en œuvre, elle pourrait contribuer à l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) dans la Cemac et améliorer la performance économique et financière des banques. Afrique RSE recommande ainsi une approche plus structurée, qui passe par la formation de la haute direction aux enjeux de durabilité, la réalisation de diagnostics approfondis, la définition de stratégies claires et la publication régulière de rapports transparents.
Selon la définition des Nations Unies, la RSE correspond à l’engagement des entreprises à assumer leurs impacts environnementaux et sociaux. Elle couvre des domaines essentiels tels que l’amélioration des conditions de travail, l’égalité et la sécurité, la préservation de l’environnement ou encore la qualité des relations avec les clients et partenaires.
En somme, si la RSE dans le secteur bancaire de la Cemac reste encore balbutiante, elle constitue une opportunité majeure pour repositionner les institutions financières comme acteurs centraux du développement durable. À condition toutefois qu’elle dépasse le stade du discours pour devenir une pratique authentique et structurée.
