Ces trois architectes africains de renommée internationale, chacun dans leur style et leur vision, sont considérés comme de véritables institutions dans cette discipline encore mal connue sur le continent. Tour d’horizon avec Makers.Africa.
Reconnaissance planétaire pour Diébédo Francis Kéré
Le premier d’entre eux, si l’on se hasarde à dresser un quelconque classement, est Diébédo Francis Kéré, 56 ans. Architecte qui a vu le jour au Burkina Faso, il est devenu le premier Africain à arracher le prestigieux prix Pritzker, une récompense mondiale qualifiée de prix Nobel de l’architecture. Son oeuvre, qui lui a valu cette reconnaissance planétaire, comprend des structures permanentes et temporaires, érigée dans son pays natal, mais aussi dans d’autres pays d’Afrique, en Europe et aux États-Unis.
En recevant son prix, l’architecte burkinabé a déclaré qu’il était « l’homme le plus heureux de la terre ». Selon lui, c’était une grande surprise, mais il s’est montré « subordonné et très fier » de voir que ce travail, qui le passionne tant et qu’il a toujours considéré comme une affaire personnelle ait pu être lié à la fondation Pritzker.
A savoir que dans le cercle restreint de l’architecture internationale, deux événements revêtent une importance majeure : la Biennale de Venise et le Pavillon Serpentine à Londres. Et Diébédo Francis Kéré a eu l’honneur de concevoir les deux. En 2016, il a été le premier Africain à figurer dans le prestigieux groupe des « architectes Serpentine », aux côtés de Zaha Hadid, Peter Zumthor, Frank Gehry, Jean Nouvel, Rem Koolhaas et Herzog & de Meuron. Son pavillon était inspiré de l’arbre central autour duquel les gens se rassemblent, aujourd’hui encore, dans son village natal de Gando, au Burkina Faso.
Sir David Adjaye, l’architecte social
Aux yeux de nombre de connaisseurs, Sir David Adjaye, né en 1966 à Dar Es Salam en Tanzanie, est un véritable monument. Celui qui, jusqu’ici, est le seul Africain à avoir eu la chance de construire un gratte-ciel dans le quartier financier de New York, et aussi le seul à avoir été fait chevalier, au Royaume Uni, pour sa contribution à l’architecture.
Sir David Adjaye a la ferme conviction que l’architecture est un fort vecteur d’amélioration de la société. L’architecte, célèbre pour son style narratif, franchement empathique et positif, a conçu des bâtiments publics s’intégrant comme naturellement dans le tissu des lieux. Son Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines de Washington (photo) se démarque par sa façade faite de fines écailles de bronze, inspirées de l’architecture de la tribu Yoruba, au Nigeria. Pour le Time Magazine, l’architecte fait partie des personnalités les plus influentes du monde. Un point de vue partagé par le New York Time, qui le voit comme l’un des architectes « les plus exaltants du monde ».
Mais l’œuvre la plus marquante signée de l’architecte est sans aucun doute la tour résidentielle ‘130 William’, à New York. Cette dernière n’est pas faite de verre et d’acier, mais de briques traditionnelles, comme les entrepôts bien connus de la métropole américaine. Adjaye vit et travaille surtout à New York et à Londres. Mais au Ghana, son pays d’origine, il a ouvert une agence sur laquelle il mise beaucoup pour dessiner l’avenir de l’architecture africaine en pleine renaissance. Son projet pour la cathédrale nationale d’Accra comporte une salle de concert de 5.000 places, une église, un conservatoire, une galerie d’art, une salle de réunion et un musée de la Bible.
Adjaye avoue puiser sa source dans les traditions de construction locales. Et il ne manque jamais de convaincre les autres architectes africains de concevoir, outre les nouveaux hôpitaux, écoles et habitations impérativement nécessaires, des bâtiments collectifs ambitieux. Comme le projet de Musée national de l’esclavage qu’il développe à Cape Coast, l’ex-capitale du Ghana connue pour avoir été une plaque tournante de la traite négrière de l’Afrique occidentale.
Notons que Sir David Adjaye est aussi l’auteur d’African Metropolitan Architecture, un ouvrage en sept tomes qui lui a nécessité des séjours dans une cinquantaine de villes d’Afrique pour y photographier et documenter les bâtiments historiques et contemporains les plus importants, dotant alors le continent d’une encyclopédie de l’architecture. Une grande première historique.
Aziza Chaouni, au nom de l’écologie
Cette architecte née le 26 juin 1977 à Fès, au Maroc, a étudié à l’Université Columbia de New York et à la Harvard School of Design de Cambridge. Aujourd’hui professeure à Toronto, au Canada, elle milite pour l’intégration écologique de l’architecture au paysage. Elle a créé son cabinet en 2009 et elle dirige aussi le laboratoire de recherche sur l’écotourisme (Designing Ecological Tourism) dans la capitale de la province de l’Ontario.
Aziza Chaouni est surnommée aussi « le nouveau Corbusier du Maroc », après Jean-François Zevaco (1916-2003). C’est dire l’intérêt que portent les connaisseurs au talent de celle qui planche actuellement sur une mission qualifiée de très spéciale : la restauration de Sidi Harazem, une station thermale de… Jean-François Zevaco. Sidi Harazem est une des dernières réalisations du célèbre architecte brutaliste marocain encore debout. En 1960, celui-ci avait fait creuser des bains ovales dans les collines. Le béton est omniprésent dans cette station thermale, qui témoigne de l’audace architecturale du Maroc après son indépendance, en 1956.
Avant cela, Aziza Chaouni a travaillé sur plusieurs projets patrimoniaux, comme la bibliothèque al-Quaraouiyine de Fès. Ses projets, développés à travers l’Aziza Chaouni Projects (ACP), ont été primés de nombreuses fois ainsi que publiés et exposés à l’international : NY Times, Domus, Louisiana Museum of Mordern Art, Venice Biennale, Sharjah Biennale, Rotterdam Biennale, Amman Biennale etc…