Plus de 150 Spacs créées à travers le monde, pour un montant total de 50 milliards de dollars levés en fin d’année 2020. Pour le seul troisième trimestre de cette année, le produit des introductions en bourse des Spacs était de 32,2 milliards de dollars et a dépassé le produit total de 15,8 milliards de dollars de l’ensemble de l’année 2019. C’est évident, les Spacs ont le vent en poupe. Selon les experts, ce dynamisme a été impulsé par l’incertitude des marchés financiers du fait de la pandémie, et depuis, l’engouement pour le nouveau concept s’intensifie.
Un nouveau moyen de financement efficace
Une société sans aucune activité opérationnelle et dont les titres sont émis sur un marché boursier en vue d’une acquisition ou d’une fusion future dans un secteur particulier, et ce en un espace de temps déterminé. Telle est la définition simplifiée d’une Spac, acronyme anglais de Spécial Purpose Acquisition Company. Presque inexistantes il y a encore une dizaine d’années, les Spacs sont un nouveau concept auquel il faudra désormais s’habituer dans le monde de la finance, et en Afrique notamment.
Concrètement, une Spac est une structure cotée en Bourse dans le but de faire une acquisition. Au moment de sa cotation, elle s’apparente à une coquille ou un coffre vide. Autrement dit, une Spac est une société qui n’a pas encore d’activité et qui lève des fonds, dans le cadre d’une introduction en bourse, pour financer l’acquisition de sociétés non encore identifiées. Du fait de l’absence d’activité historique, la décision d’investir dans la société est prise essentiellement sur le fondement de l’identité des fondateurs et dirigeants de la Spac, de leur expertise dans le domaine d’activité ciblé et du programme d’investissement présenté dans le prospectus d’introduction en bourse.
Contrairement à une introduction en bourse classique, les fonds recueillis auprès du public ne sont pas attribués à un financement de matériel, un remboursement de dette ou tout autre projet classique d’entreprise. La spécificité d’une Spac réside dans le fait que les fonds levés sont conservés sous forme de cash en vue de financer ultérieurement l’acquisition en question.
Convaincre les investisseurs
Bien entendu, attirer les investisseurs sur une simple promesse n’est pas chose facile. Pour convaincre le public, les Spacs doivent respecter des règles de fonctionnement. Lors de l’introduction en Bourse, les investisseurs connaissent donc les principaux critères de l’acquisition visée : secteur d’activité, taille indicative de l’opération, ratios de rentabilité souhaités… Les Spacs s’engagent aussi sur un horizon pour réaliser l’acquisition. Passé ce délai, si aucune opération n’a été engagée, les fonds récoltés sont reversés aux investisseurs.
Le principal intérêt des Spacs est de permettre au public de réaliser des opérations de private equity (non coté) en passant par la bourse. Les investisseurs bénéficient ainsi de toutes les garanties offertes par les sociétés cotées (notamment en termes de réglementation et d’information) et peuvent par la suite échanger facilement des titres. L’autre grand avantage des Spacs concerne leur capacité à agir vite. Disposant d’importantes réserves de cash une fois introduite en Bourse, ils peuvent saisir rapidement d’autres opportunités…
Toutefois, en investissant dans une Spac, le souscripteur achète d’abord une promesse, avec toutes les incertitudes que cela comporte. L’expérience et la renommée de l’équipe de management sont donc primordiales dans ce domaine.
Tidjane Thiam, la succès story qui inspire
Un an après son départ du Credit Suisse, l’ex-CEO de la banque et ses partenaires ont levé 345 millions de dollars à la Bourse de New York pour investir dans le digital et la finance. « La mise de départ devait être de 250 millions de dollars. Nous avons eu 3,6 milliards d’offres. On a pu augmenter le capital jusqu’à 345 millions d’euros ». Les parts du véhicule, baptisé Freedom Acquisition I Corp, ont été négociées depuis le 26 février à la Bourse de New York sous le symbole « FACT.U », explique-t-il à l’issue de son opération. La nouvelle société lancée par Tidjane Thiam cherche dorénavant à acquérir une entreprise au croisement de la finance et des technologies digitales. « Ce type de véhicule est souple et bien établi maintenant, ajoute Tidjane Thiam. Il permet de faire changer d’envergure les entreprises non listées à la bourse qui ont besoin de capitaux pour croître avec des actionnaires connus et engagés sur une longue période», révèle t-il. Bien que mondialement saluée, la réussite du Franco-Ivoirien Tidjane Thiam à cette opération a suscité un grand intérêt pour la nouvelle pratique, ce d’autant plus chez plusieurs entrepreneurs africains qui, comme Tidjane Thiam, y voit un nouveau modèle de financement applicable sur les marchés du continent.
Bien avant lui, l’entreprise sud-africaine Renergen Limited a été l’un des premiers Spacs cotés sur une place boursière africaine. C’était en juin 2015, après la levée de 75 millions de rands, soit 5,5 millions d’euros. En décembre dernier, Renergen a annoncé un partenariat avec le géant français Total pour le marketing et la distribution de produits issus du gaz naturel liquéfié.
Canicha Djakba