Jusqu’ici, l’Afrique n’a pas pu profiter pleinement de ses voies fluviales pour asseoir un système de mobilité efficient. Mais les lignes sont en train de bouger grâce à différents projets infrastructurels et d’équipements visant à faire des fleuves, des rivières et des canaux des outils de connectivité modernes.
L’Afrique centrale veut accélérer sur le fleuve Congo
Le fleuve Congo est l’une des principales voies de communication en Afrique centrale, utilisée tant pour le transport des passagers que le transport des marchandises. Il borde la République du Congo sur 600 km environ et son affluent l’Oubangui sur 500 km. Le réseau principal comprend aussi la Sangha qui a une longueur navigable de 981 km. Le fleuve Congo et ses affluents comptent 2000 km de voie navigable et permettent le trafic passagers et fret entre différentes villes de premier plan comme Brazzaville (Congo) et Bangui (Centrafrique), Kinshasa et l’ouest de la RDC, jusqu’à Ouesso, à la frontière du Cameroun.
Plusieurs investissements sont à réaliser pour faire du fleuve Congo la future « autoroute » de cette partie du continent. Ils vont de la modernisation des ports principaux, dont celui de Brazzaville, à la construction des ports secondaires, en passant par l’acquisition des équipements de transport. Dernièrement, Kinshasa a annoncé avoir avancé dans son projet avec la Turquie pour l’exploitation du fleuve Congo comme point de départ des 58 premiers kilomètres partant du chantier naval jusqu’à Maluku, incluant la rivière N’djili comme affluent.
La RDC a aussi acquis des unités fluviales constituées de 14 bus fluviaux d’une capacité de 130 places et six taxis fluviaux de 25 places au profit de la Société des transports au Congo (Transco). Un projet d’installation de six quais flottants, accueillant des salles d’attentes, des espaces de restauration et des guichets de billetterie, sont également en préparation.
Du côté de Brazzaville, annonce a été faite que, dans le cadre du Projet de réhabilitation des voies fluviales navigables, le ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Portefeuille Public pilote un projet d’investissement de 150 milliards de FCFA (238,3 millions USD). L’exploitation du réseau hydrographique congolais de près de 5000 km de voies navigables est aujourd’hui confrontée au problème d’entretien et d’envahissement par des plantes aquatique. Cette situation annihile les efforts de développement de l’économie fluviale que s’est assignés le pays et compromet son rôle naturel de pays de transit. L’ensemble des travaux pour y remédier devrait durer cinq ans.
Le fleuve Sénégal au cœur de gros enjeux
L’ambition annoncée est de rendre au fleuve Sénégal sa vocation naturelle de poumon culturel et économique prospère. De la Banque Mondiale à l’Agence Française de Développement, en passant l’Afreximbank, l’Exim Bank of India ou encore la Banque Africaine de Développement, le fleuve Sénégal peut miser sur une palette de partenaires pour développer des projets infrastructurels d’envergure au profit des pays concernés, à savoir le Sénégal, le Mali, la Mauritanie et la Guinée.
Le développement sur la base d’un programme intégré de ce « cours d’eau international » est piloté par l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Cette dernière est une structure intergouvernementale de développement créée le 11 mars 1972 à Nouakchott par le Mali, la Mauritanie et le Sénégal, en vue de gérer le bassin versant du fleuve Sénégal, bassin qui s’étend sur une surface de 289 000 km2.
Le projet pilier de l’OMVS entend profiter de l’augmentation des débits d’étiage du fleuve, due aux barrages, pour créer une voie navigable de grande capacité, munie d’infrastructures portuaires. L’objectif est de favoriser l’essor économique du bassin, de valoriser les ressources naturelles, d’accroître le commerce à l’intérieur du bassin et le commerce international des États membres et d’améliorer l’accès aux marchés extérieurs des régions enclavées du bassin et du territoire du Mali. Le projet comporte la réalisation d’ouvrages et de fournitures répartis en deux volets structurants (navigabilité et infrastructures portuaires).
Sa réalisation se fera en deux étapes. La première concerne l’aménagement d’un chenal navigable dans le lit mineur, afin d’assurer le passage des bateaux et barges et le soutien aux opérateurs intéressés par la reprise des activités de transport sur le fleuve. La longueur de cette voie est d’environ 905 km2. Elle permet la navigation, toute l’année, sur le fleuve, entre Saint-Louis, située à l’embouchure du fleuve, et Ambidédi (en aval de Kayes) au Mali. La voie d’eau autorise une capacité annuelle de 10 millions de tonnes de fret. Le financement des études de faisabilité et d’exécution est assuré par la Banque islamique de développement (BID).
La deuxième étape porte sur l’étude du cabotage et sa réalisation entre le port de Dakar et celui de Nouakchott. Elle prévoit des travaux d’amélioration pour sept escales existantes : Rosso, Richard-Toll, Podor, Boghé, Kaédi, Matam et Bakel. Un dispositif mer/fleuve sécurisant le passage des bateaux et caboteurs fluviomaritimes est à l’étude. Enfin, un inventaire des caractéristiques de la flotte, un projet de gestion privée des installations et un cadre juridique, réglementaire et organisationnel pour la navigation sont aussi en cours.
À l’état actuel, l’ensemble des études relatives à la réalisation du chenal navigable, du port fluviomaritime de Saint-Louis et du port terminus d’Ambidédi sont achevées. Le contrat commercial a été signé avec l’entreprise indienne AFCONS, une filiale du conglomérat indien Shapoorji Pallonji Group, le 11 octobre 2018. Les démarches sont en cours pour la mobilisation du financement du projet avec notamment le dépôt des requêtes de financement.
En vertu du contrat, la société indienne procédera à la réhabilitation d’un chenal navigable de 905 km, permettant une navigation pérenne 12 mois sur 12. AFCONS procédera par ailleurs à la construction d’un port fluviomaritime à Saint-Louis, d’un port fluvial terminus à Ambidédi, d’escales portuaires le long du fleuve, ainsi qu’à la rénovation d’une écluse sur le barrage de Diama. Le coût des travaux est estimé à plus de 311 milliards de francs CFA (près de 500 millions USD), financé par Exim Bank of India. Le chantier sera supervisé par la Société de gestion et d’exploitation de la navigation sur le fleuve Sénégal (Sogenav).