Premier pays d’Afrique francophone à accéder à l’indépendance, la Guinée a connu à sa tête six présidents dont deux intérimaires depuis le 2 octobre 1958. Si un seul de ces hommes politiques a été hissé à la tête du pays suite à des élections démocratiques, les autres y sont montés à l’issue de coups d’Etat. Raison pour laquelle, en Guinée, la plupart des présidents ont été des militaires. Bien que promu à de lourdes responsabilités, plusieurs de ces présidents ont très peu côtoyé les bancs. Mais deux sortent remarquablement du lot. Ce sont le docteur en droit Alpha Condé, président en poste jusqu’à son éviction par coup d’Etat le 5 septembre 2021 et l’économiste Moussa Dadis Camara.
Alpha Condé, le docteur d’État en droit public
Alpha Condé a passé le clair de sa vie dans l’opposition. D’Ahmed Sékou Touré, le premier président de la Guinée indépendante en 1958 à Lansana Conté de 1984 à 2008, il a successivement écopé d’une peine de mort sous Ahmed Sekou Touré et d’un emprisonnement de cinq ans avant d’être gracié en 2001 après 28 mois sous les verrous, sous le règne de Lansana Conté. Il a été deux fois candidat aux élections présidentielles de 1993 et de 1998, avant de briguer son premier mandat de président en décembre 2010. Alpha Condé est alors âgé de 72 lorsqu’il prend enfin les rênes du pays. Mais s’il a autant persévéré et tenu tête aux deux premiers présidents, c’est que très tôt, Alpha Condé avait aiguisé son ouverture d’esprit au contact des écoles occidentales, et des réalités de plusieurs pays dits démocratiques. En effet, né le 4 mars 1938 à Boké dans la région de Basse-Guinée, Alpha Condé est scolarisé à l’école primaire du Centre à Conakry, puis au collège, au séminaire des Pères à Dixinn. A 15 ans, nanti d’un brevet d’étude de premier cycle, Alpha Condé s’envole pour la France où il poursuit le second cycle au lycée Pierre-de-Fermat de Toulouse, puis à Louviers et enfin à au lycée Turgot à Paris, où il obtient son baccalauréat.
Il intègre ensuite la prestigieuse université de Paris–Sorbonne, et y obtient une licence en sociologie puis un diplôme d’études supérieures (DES). Inscrit en faculté de droit, il devient quelques années plus tard, docteur d’État en droit public à la faculté de droit de l’Université Paris-I. C’est aussi dans cette université qu’il entame sa carrière d’enseignant en tant que chargé de cours à la faculté de droit et sciences économiques de Paris-I.
Déjà intéressé par la vie politique de son pays, il est critique envers le pouvoir d’Ahmed Sekou Touré. Profitant en 1977 de la rencontre tripartite de réconciliation entre les présidents Sékou Touré, Félix Houphouët-Boigny et Léopold Sédar Senghor, Alpha Condé crée le Mouvement national démocratique (MND). D’abord une organisation de lutte clandestine, elle devient après l’ouverture politique du pays à la démocratie en 1990, un parti légal en 1991. Sa dénomination change par la suite en Unité, justice, patrie (UJP), puis en Rassemblement des patriotes guinéens (RPG) et en Rassemblement du peuple de Guinée. C’est ce parti toujours dirigé par Alpha Condé qui gagne les élections présidentielles face à Cellou Dalein Diallo, rempile pour un second mandat en 2015 puis pour un troisième en octobre 2020.
Moussa Dadis Camara, l’économiste
Moussa Dadis Camara est le deuxième président le plus capé de diplômes en Guinée. Il a l’avantage d’avoir fait un parcours à la fois académique et militaire. Nanti d’une licence en économie et finance obtenu en 1989 à l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry, la capitale guinéenne, Moussa Dadis Camara est né vers le 1er janvier 1964 en Guinée. Il fait ses classes primaires et secondaires dans la localité de N’Zérékoré, et y obtient son baccalauréat en série scientifique option mathématiques au lycée Samory Touré. Après son passage de 1986 à 1989 à l’Université Gamal Abdel Nasser, il intègre en 1990 les rangs de l’armée guinéenne, inspiré, dit-on, par le président Blaise Compaoré du Burkina-Faso. Dans l’armée, Moussa Dadis Camara suit la formation militaire à la base à Kindia, à 137 km de la capitale, puis des cours d’officier à Dresde, et obtient un brevet de chef de section en gestion à Brême en Allemagne, puis intègre une brigade franco-allemande. A son retour en 1999, il devient intendant-adjoint au sein des forces des Nations unies pour la Sierra Leone, puis chef de la section Essence à la direction générale de l’Intendance militaire des armées de Guinée, repart en Allemagne en 2004, effectue des études en capitainerie d’intendance et de logistique à l’École d’Infanterie de Hambourg, puis suit des cours pratiques de troupes aéroportées d’où et rentre nanti cette fois d’un brevet de parachutiste-commando.
Entre 2005 et 2007, Moussa Dadis Camara occupe le poste de Chef de section des Essences et Ravitaillement à l’Intendance militaire des forces armées, puis, en 2008, celui de directeur général des Essences et Lubrifiants et poursuit au même moment des cours à d’État-major à l’École militaire inter-armée en Guinée.
Président du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), junte militaire au pouvoir après la mort de Lansana Conté, il s’autoproclame président de la République de Guinée le 24 décembre 2008. Blessé à la tête en décembre 2009, il est hospitalisé au Maroc puis au Burkina Faso, et doit quitter ses fonctions. C’est dans ce pays voisin qu’il vit depuis le 15 janvier 2010, après avoir accepté la tenue des premières élections démocratiques du pays en 2010.
Canicha Djakba