Si les femmes ont bataillé et continuent de le faire pour l’égalité de genre, ce combat porte de plus en plus de fruits, à travers le monde, et surtout en Afrique. Toutefois, s’il y a un combat qui nécessite encore beaucoup d’efforts pour être gagné, c’est celui de la justice sociale envers les femmes, notamment en ce qui concerne les harcèlements sexuels. Terrorisées par les conséquences de ces actes qu’elles n’osent pas toujours dénoncer par peur de représailles, d’intimidation ou de qu’en ira-t-on, plusieurs femmes continuent de se muer dans le silence, faisant ainsi prospérer un malaise qui bien que très peu visible, menace pourtant leur épanouissement social et professionnel. Alors que le monde célèbre ce jour la 37e édition de la journée internationale de la femme, Makers vous livre des astuces pour mieux gérer les harcèlements sexuels en milieu de travail.
Comment identifier des actes d’harcèlement sexuel ?
Le harcèlement sexuel est une notion complexe à définir car elle recouvre une multitude de propos et comportements et peut, en conséquence, prendre des formes très diverses. Les plus fréquentes sont d’une part, des propos ou comportements répétés et, de l’autre, un acte unique.
Il peut donc s’agir de pression grave dans le but d’obtenir un acte de nature sexuel qu’on appelle aussi harcèlement sexuel assimilé ou de propos ou comportements à connotation sexuelle non désirés et répétés.
Des propos ou comportements à connotation sexuelle qui portent atteinte à la dignité de la personne en raison de leur caractère dégradant ou humiliant (plaisanteries obscènes, grivoises ; propos familiers à connotation sexuelle ou sexiste (« tu m’excites », « une si jolie fille comme vous » …); mise en évidence de textes, images, vidéos, objets à caractère sexuel ou pornographique ; regards insistants, sifflements ; actes sexuels mimés, jeux de langue). Ce peut aussi être des actes qui créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante telles que des remarques sur le physique ou la tenue : « c’est pour moi cette petite robe », « n’oublie pas ton décolleté pour la réunion », « t’es sexy aujourd’hui » ; cadeaux nombreux gênants (parfums, fleurs, bijoux, sous-vêtements…) malgré des refus successifs ; contacts physiques non désirés : main sur l’épaule, accolades appuyées; propositions incessantes de sorties, invitations compromettantes malgré un refus ; propos ou questions d’ordre intime, concernant les pratiques sexuelles. Le cumul et la multiplication de comportements et propos de ce type facilitent la démonstration de l’existence d’un harcèlement sexuel subi par la victime.
Employée : comment réagir au harcèlement sexuel ?
Les étapes peuvent changer selon que l’on soit dans un pays ou dans l’autre. La première étape consiste généralement à se rapprocher des responsables des ressources humaines de l’entreprise, mais aussi du syndicat des employés pour y déposer une plainte signée. Ceux-ci ont obligation de traiter votre cas, car il en va de votre droit. En France par exemple, aucun signalement de harcèlement sexuel ne doit être minimisé. Les responsables indiqués ont deux mois, au titre de votre obligation en matière de santé et sécurité, de traiter avec rapidité et efficacité votre complainte. Mais pour être efficace et limiter le risque contentieux, la procédure enclenchée pour traiter et mettre un terme au harcèlement implique le respect d’un certain formalisme. Comme toute procédure type, elle est adaptable aux spécificités de chaque entreprise ou organisation. Passé ces délais, la plaignante peut aussi enclencher une procédure à l’inspection du travail, et même introduire une plainte en justice ou encore auprès des services sociaux de la ville. Les procédures étant différentes selon les pays, l’idéal serait d’essayer de poser la question en interne (entreprise), et en cas d’absence de réaction et même de récidives, la porter auprès des instances juridictionnelles ou des services sociaux de la ville.
Dans certains pays comme en France par exemple, l’employé dispose d’un délai de deux mois pour apprécier à compter de la connaissance exacte par l’employeur de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés à l’intéressé.
En conséquence, l’employeur devra réagir très vite dès que les faits d’harcèlement sexuel lui ont été rapportés, en vue de faire toute la lumière sur les circonstances de l’affaire et de prendre, le cas-échéant, les mesures disciplinaires qui s’imposent.
Les responsabilités des employeurs face au harcèlement sexuel
L’employeur devrait en amont avoir anticipé sur ce genre d’incident en mettant en place un cadre pour accompagner et faciliter le signalement des faits de harcèlement sexuel. Ce signalement est facilité par la communication obligatoire auprès des salariés, stagiaires et candidats, des coordonnées des référents RH en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. En complément, les employés sont invités à mettre en place des mesures favorisant la remontée d’information auprès des managers ou du service en charge des ressources humaines.
Puis, au niveau de la réception du signalement et de la première analyse de la situation, quel que soit son auteur (la victime, un témoin, un représentant du personnel…) et la forme qu’il prend (courrier, remontée orale à l’occasion d’un entretien…), tout signalement doit faire l’objet d’une transmission rapide en vue d’une première analyse.
La première étape consiste à accuser réception du signalement bien, afin que son auteur soit ainsi informé du fait que la situation est en cours de traitement. L’accusé de réception est également l’occasion de lui rappeler ses droits.
La deuxième étape va être de procéder à un premier échange avec l’auteur du signalement. Cet échange est l’occasion de recueillir des précisions sur les faits à l’origine du signalement. En outre, lorsque l’auteur du signalement n’est pas la victime présumée, un entretien avec cette dernière est souhaitable afin de recueillir sa perception et son appréciation des faits.
A la troisième étape : procéder à une première analyse des faits Sur la base des éléments recueillis, une première analyse de la situation permet d’orienter la suite de la procédure : Il apparait clairement que la situation n’est constitutive ni d’un harcèlement sexuel, ni d’un agissement sexiste : il est recommandé dans ce cas d’informer l’auteur du signalement, de préférence au cours d’un entretien physique, du fait qu’il ne sera pas procédé à une enquête approfondie et des raisons de ce choix. Si l’hypothèse d’un harcèlement sexuel ou d’un agissement sexiste a pu être écartée, le signalement peut néanmoins être le signe d’un dysfonctionnement ou, à tout le moins, d’un mal-être du salarié : des temps d’échange à l’initiative du responsable RH ou de l’employeur avec les personnes impliquées (auteur du signalement, personnes mise en cause) et leurs responsables hiérarchiques, peuvent être organisés afin d’apaiser les tensions et trouver des solutions au règlement du différend. En aucun cas, l’auteur du signalement ne saurait être sanctionné (sauf en cas de mauvaise foi ou d’intention de nuire de sa part). Il apparait clairement que la situation n’est pas constitutive d’un harcèlement sexuel mais d’un agissement sexiste : dans ce cas, des entretiens complémentaires avec l’auteur présumé de l’agissement sexiste et les éventuels témoins sont de nature à établir la réalité des faits.
Si, à l’issue de ces entretiens, il apparaît que les faits sont démontrés et l’agissement sexiste caractérisé, il doit être procédé, à minima, à un rappel à l’ordre de son auteur : ce type d’agissement n’a pas sa place dans l’entreprise et sa réitération l’expose à une sanction disciplinaire. Selon la gravité et le caractère répété de l’agissement sexiste, une sanction disciplinaire peut également être envisagée. La piste d’un harcèlement sexuel ne peut être écartée : dans ce cas il est recommandé de diligenter une enquête interne afin d’établir la réalité des faits et de s’assurer de la responsabilité de la personne mise en cause. En amont, il est recommandé d’informer la personne à l’origine du signalement et la victime présumée (lorsqu’il ne s’agit pas de la même personne) des suites données au signalement et des modalités de l’enquête à venir. La victime présumée, a fortiori lorsqu’elle n’est pas l’auteure du signalement, peut être réticente au lancement d’une enquête par crainte des conséquences sur sa vie professionnelle et personnelle. Dans ce cas, il peut utilement lui être précisé que l’enquête sera menée avec la plus grande discrétion et que les informations dévoilées au cours de celle-ci resteront strictement confidentielles en dehors des personnes impliquées et en charge de l’enquête. Ses droits en qualité de victime présumée d’un harcèlement sexuel peuvent également lui être rappelés.
Canicha Djakba