La dette extérieure de l’Afrique subsaharienne est estimée à 696 milliards de dollars par la Banque mondiale, qui figure aussi parmi les principaux créanciers des pays de l’Afrique subsaharienne. Les prêteurs privés occidentaux sont les premiers créanciers de la région. La Chine vient derrière ce groupe en représentant 12 % du total de la dette extérieure africaine.
Ainsi les banques, les gestionnaires d’actifs et aux négociants de ressources primaires représentent environ le tiers de la dette extérieure du continent au sud du Sahara. Les données proviennent d’une étude de l’ONG britannique Debt Justice intitulée « La crise croissante de la dette dans les pays à faible revenu et les réductions des dépenses publiques », publiée début juillet 2022 et basée sur les données de la Banque mondiale.
Debt Justice rappelle qu’après les annulations de dette souveraine intervenues au début des années 2000, dans le cadre de l’initiative « Pays Pauvres Très Endettés », le stock de dette extérieure des pays d’Afrique subsaharienne a de nouveau fortement augmenté suite au nouveau processus d’endettement survenu du fait de la crise financière occidentale de 2007-2009. Si l’événement n’a pas touché directement les économies subsahariennes, il a eu une répercussion au niveau de la dette à cause de la grande dépendance budgétaire de nombre de pays du continent de l’exportation des matières premières.
Les États d’Afrique subsaharienne, dont le taux de croissance offrait des perspectives encourageantes, se sont vus offrir la possibilité par les fonds de pension et autres investisseurs institutionnels de s’endetter à bas taux d’intérêt, qui seront par la suite relevés par les créanciers privés quand les recettes seront affectées par la crise. Est ensuite venue la crise pandémique puis la guerre en Ukraine qui vont pousser nombre d’Etats du continent à s’endetter lourdement pour accroitre leur capacité de résilience.
C’est dans ce contexte que le Club de Paris, qui réunit une vingtaine de pays créanciers, mène l’initiative de suspension du service de la dette, qualifiée de mesure historique et exceptionnelle prise conjointement avec le G20 afin d’offrir aux 73 pays à faible revenu éligibles un soutien pour faire face à la nouvelle conjoncture. Le Club de Paris affirme avoir mis en œuvre son engagement d’accorder une suspension du service de la dette à tous les pays éligibles qui en ont fait la demande. Les créanciers ont signé un accord pour suspendre environ 4,6 milliards de dollars de service de la dette dû par 42 pays à faible revenu. D’autres pays non membres comme le Portugal et la Turquie ont aussi été impliqués.
La Chine, locomotive des « créanciers émergents »
Les dernières années ont aussi vu le développement de l’appétit créancier des puissances économiques émergentes dont la demande des matières premières a amorti, dans la sous-région subsaharienne, le choc de la baisse de la demande des puissances économiques traditionnelles, suivie d’une baisse des prix de ces produits de base. La Chine se trouve en tête de cette liste. La boulimie de Pékin pour les ressources naturelles s’est toujours s’accompagnée d’une « générosité créancière » qui a boosté l’endettement du continent.
Par abondance de liquidités et à travers une politique dite de solidarité Sud-Sud, la Chine a financé nombre de projets d’infrastructures considérées comme nécessaires à la croissance pour l’émergence. La seconde puissance économique mondiale après les Etats-Unis est aujourd’hui le premier créancier de plusieurs pays africains éligibles à l’initiative de suspension du service de la dette (DSSI) en détenant, par exemple, 55% de la dette de Djibouti, 42% de celle de la République du Congo et 34% de celle de l’Angola. Les autres pays du continent dont l’empire du Milieu est le premier créancier sont la Guinée (32% du stock total de la dette), les Comores (31%), le Cameroun (29%), la Zambie (25%) et le Togo (24%).
Les créances africaines de la Chine sont passées de moins de 40 milliards de dollars en 2010 à plus de 150 milliards de dollars actuellement. L’empire du milieu s’est hissé au cours des dernières années au rang de premier pays créancier de l’Afrique en s’appuyant, notamment, sur ses deux principaux bras financiers (policy banks), en l’occurrence la Banque chinoise d’import-export (China EximBank) et la China Development Bank (CDB), ainsi que sur des fonds bilatéraux spécifiques comme le Fonds de développement Chine-Afrique (CAD Fund). Sur l’ensemble des autres créanciers, toutes catégories confondues (privés, bilatéraux et multilatéraux), seul le Groupe de la Banque mondiale peut concurrencer la Chine dans ce domaine. L’encours total de la dette des 68 pays les plus pauvres de la planète (dont la grande majorité se trouve en Afrique) envers cette institution multilatérale est passé de 111 milliards de dollars en 2019 à plus de 130 milliards de dollars actuellement.
Notons, enfin, que sont considérés comme surendettés à l’arrivée de la crise pandémique le Congo-Brazzaville, l’Érythrée, la Gambie, le Mozambique, São Tomé-et-Principe, le Soudan du Sud, le Zimbabwe, et en risque élevé de surendettement le Burundi, le Cameroun, le Cap-Vert, la Centrafrique, l’Éthiopie, le Ghana, la Sierra Leone, le Tchad et la Zambie. Soit le tiers de la sous-région subsaharienne. Nombre d’entre eux sont aujourd’hui sous programme avec le Fonds Monétaire International (FMI), à travers notamment l’accès à la facilité élargie de crédit (FEC), et soumis à la réalisation de réformes structurelles.