Depuis un an, la Libérienne Antoinette Sayeh occupe le poste de directrice générale adjointe du Fonds monétaire international, une responsabilité jamais accordée à une femme africaine avant elle.
Antoinette Monsio Sayeh est, depuis le 16 mars 2020, la quatrième directrice générale adjointe du Fonds monétaire international (FMI). Elle est la première femme africaine à ce poste et la deuxième Africaine après le président ivoirien Alassane Ouatara en 1994. Antoinette Sayeh y a été propulsée par Kristalina Georgieva en personne, la directrice générale de l’institution. Selon elle, Antoinette Sayeh possède toutes les qualités requises pour ce poste, certes prestigieux, mais pas moins exigeant. « Une combinaison rare de leadership institutionnel, de capacités analytiques approfondies et d’engagement indéfectible envers l’équité », l’avait ainsi décrit la directrice générale du FMI, au moment où elle annonçait la désignation de sa collaboratrice. Une désignation qui a été approuvée par le Conseil d’administration de l’institution internationale. Depuis mars 2020, la Libérienne de 62 ans remplace ainsi Carla Grasso au poste de directeur général adjoint.
Solidaire et intransigeante, elle s’adapte à toutes les circonstances
« J’ai toujours été impressionnée par son souci sincère du bien-être des personnes que nous servons et sa capacité à les placer au centre de nos efforts », assurait Kristalina Georgieva. Comme d’autres, elle a certainement en mémoire cette décision historique prise par la Libérienne en 2015, quand Antoinette Sayeh était alors responsable du département Afrique au FMI. Alors que l’économie de la Sierra Leone, de la Guinée et du Libéria sont à genoux du fait de l’épidémie d’Ebola, le FMI décaisse 100 millions de dollars en guise d’aide à ces pays. La somme est débloquée sous forme de dons, afin d’accompagner les trois États à épurer leur dette (intérêts compris) envers l’institution internationale. Une décision qui avait été saluée, car entre 2013 et 2015, ces économies avaient perdu 32,6 milliards de dollars du fait de l’épidémie d’Ebola qui sévissait, révèle la Banque mondiale.
Mais quelques mois plus tard, Antoinette Sayeh, solidaire face au désastre humain et économique qu’a entraîné Ebola en Afrique de l’Ouest, n’affiche pas la même témérité face au Mozambique. La révélation de l’existence cachée d’une dette mozambicaine, d’un peu plus d’un milliard de dollars, suscite la sanction immédiate d’Antoinette Sayeh. Le FMI suspend son aide au Mozambique en attendant que le pays se montre transparent vis-à-vis de l’institution. C’est aussi ce côté intransigeant qu’à souvent salué la directrice générale du FMI, en vantant les mérites de sa nouvelle collaboratrice. Ces traits de caractère, Antoinette Sayeh les a forgés en roulant sa bosse dans le gouvernement du Libéria et dans des institutions internationales.
Une vie d’économiste au service de grandes institutions
Antoinette Sayeh est Docteure en relations économiques internationales, diplôme obtenu à la Fletcher School de l’université américaine de Tufts. Après quelques années passées au ministère du Plan au Libéria, elle intègre la Banque mondiale où elle restera pendant 17 ans. L’économiste sera tour à tour directrice des opérations de la BM pour le Bénin, le Niger et le Togo mais aussi économiste-pays pour le Pakistan et l’Afghanistan, puis conseillère à la vice-présidence de la Politique opérationnelle de la BM et assistante de son directeur général principal.
Au lendemain de la guerre civile, qui pendant 14 ans a secoué son pays d’origine, c’est à Antoinette Sayeh que la présidente Ellen Johnson Sirleaf fait appel. Elle devient, en 2006 la ministre des Finances du Libéria, avec la lourde charge de relever l’économie du pays essoufflé par la guerre. Antoinette Sayeh accepte le challenge, et réussit à faire débloquer 842 millions de dollars par le FMI fin 2007. L’enveloppe vise à apurer la dette du Libéria vis-à-vis des institutions monétaires internationales. Antoinette Sayeh élabore par ailleurs la stratégie de son pays pour sortir de la pauvreté. Des compétences et un dévouement qui ont permis de « considérablement renforcer les finances publiques du Liberia tout en promouvant la réforme de la gestion des finances de l’État », révélait alors le FMI.
Au bout de deux ans à la tête du ministère des Finances du Libéria, le Fonds monétaire international fait appel à Antoinette Saley et lui confie le poste de directrice du Département Afrique du Fonds monétaire international en juillet 2008. A présent à la tête de l’une des plus puissantes institutions internationales, Antoinette Sayeh met ses compétences et son engagement au service des économies du monde. Le premier challenge auquel elle fait face est celui de la gestion de la crise de la Covid-19 et ses lourdes conséquences sur l’économie mondiale. Elle devra aussi veiller à surveiller le taux d’endettement de plus en plus élevé, des pays en voie de développement.
Canicha Djakba