Makers Africa : Quels sont les attentes particulières des pays de l’Afrique du Nord concernant le financement des projets structurants ?
Mohamed El Azizi : Les projets structurants qui correspondent le plus aux attentes de ces pays sont ceux qui permettent de faire face aux incertitudes et aux impacts du changement climatique. Ce sont essentiellement les projets permettant un meilleur accès à l’eau potable, comme les infrastructures de dessalement. On les voit un peu partout dans les pays de l’Afrique du Nord, avec comme objectif de sécuriser les ressources en eau. Pour moi, la priorité est d’avancer dans les projets visant à solutionner le problème de pénurie d’eau, la sècheresse qui sévit cette année n’ayant pas atteint ce niveau depuis un certain temps.
Il faut savoir que la désalinisation permet déjà, à travers les projets structurants développés au Maroc, en Egypte, en Algérie ou en Tunisie, de faire face à un certain nombre de besoins d’accès à l’eau potable mais sert aussi pour l’agriculture. Je prends comme exemple le complexe de dessalement d’eau au niveau d’Agadir, au Maroc. Il permet à la fois de fournir de l’eau à la population mais aussi d’approvisionner le secteur agricole. L’utilisation des énergies renouvelables, pour le fonctionnement des équipements, permet en outre de maitriser les prix et d’inscrire les initiatives dans une perspective durable.
Cela n’enlève en rien l’importance des autres projets structurants comme les autoroutes, les chemins de fer ou encore les aéroports. Nous nous impliquons, en tant que Banque Africaine de Développement, pour accompagner les programmes relatifs au transport ou à d’autres domaines.
Makers Africa : Vous aviez souligné récemment l’importance de la mise en place de nouveaux dispositifs de financement en mobilisant des investissements du secteur privé, notamment à travers les partenariats public-privé (PPP). Quel rôle joue votre institution concernant cette question ?
M.E.A : Nous procédons actuellement à la restructuration des Partenariats Publics – Privés (PPP). Dans ce cadre, nous apportons une assistance technique, comme c’est le cas en Tunisie mais aussi au Maroc, où nous avons instauré un système de garantie pour les projets de fourniture d’eau potable en milieu rural. Donc, les PPP sont bien là, et nous contribuons à amener les projets de ce type vers les investisseurs. Nous définissons ensemble, avec les gouvernements, les projets de PPP, nous apportons nos aides dans le cadre du montage des projets et nous soutenons ces projets au niveau des diverses rencontres comme Ambition Africa, ou notre forum sur les investissements en Afrique, l’AIF, qui se tient chaque année.
Makers Africa : La création d’emplois par l’entreprenariat figure parmi les priorités des pays d’Afrique du Nord. Comment voyez-vous le développement de l’écosystème entrepreneurial de la zone ?
M.E.A : L’entreprenariat fait partie de nos axes stratégiques à la Banque Africaine de Développement. Nos piliers, que l’on appelle les “High Five” et qui visent l’amélioration des conditions de vie des populations, comprend un volet d’appui à l’entreprenariat. Nous accordons un intérêt particulier à l’entreprenariat des jeunes, soutenu à travers des initiatives au profit des start-ups. Cela se fait de différentes façons, allant de lignes de crédit aux banques, des lignes de crédit dédiées pour les fonds d’investissement qui appuient les petites et moyennes entreprises (PME) ou les start-ups. Je donne un exemple : en Afrique du Nord, nous avons lancé une grande initiative appelée Souk At-Tanmia, dédiée aux jeunes depuis 2011, année marquée par le Printemps Arabe. Il s’agit d’aider les jeunes à monter leur propre projet entrepreneurial. On met à leur disposition des dons, on leur accorde des prêts bonifiés en partenariat avec les banques commerciales. Nous mettons aussi à leur disposition des coachs et tout un suivi pendant au moins cinq ans, pour leur permettre de survivre et de prospérer. Nous avons même mis en place des chaines de valeur et des appuis pour que les PME puissent grossir et s’intégrer en bourse.
Makers Africa : Un mot pour motiver les jeunes à se lancer dans l’entreprenariat ?
M.E.A : Il y a beaucoup d’opportunités en Afrique, du Nord au Sud. Il faut oser se lancer et être pertinent. Il faut également être patient, c’est une qualité nécessaire pour pouvoir survivre durant les périodes creuses, notamment durant les deux à trois premières années d’existence de l’entreprise. Il ne faut pas lâcher prise et continuer. Je vois par exemple des start-ups que nous avons financées à travers l’Afrique du Nord, qui sont devenues des entreprises de référence au niveau international. Nous, en tant que Banque Africaine de Développement, sommes là pour mettre en place et appuyer les initiatives en faveur de l’entreprenariat jeune. Nous sommes d’ailleurs en train de développer des banques pour les jeunes au niveau de chaque pays. Ce ne sont pas seulement des établissements pour les financements mais des structures qui accompagneront les jeunes sur divers plans.