12 présidents, tel est le nombre d’hommes qui ont dirigé l’Afrique du Sud de 1961 à ce jour. Si les sept premiers étaient essentiellement des blancs Afrikaners, il faut attendre l’abolition de la ségrégation raciale en 1994 et le passage de l’Etat à la République d’Afrique du Sud, pour voir émerger de nouvelles figures, longtemps marginalisées, prendre les rênes du pays. De Nelson Mandela à Cyril Ramaphosa, la République d’Afrique du Sud a connu cinq présidents à sa tête. Si le quatrième, Jacob Zuma, n’a jamais connu les salles de cours, il était un formidable autodidacte et un homme d’affaires prospère. Quant au troisième (président par intérim), Kgalema Motlantheles, il n’a eu que le baccalauréat. Les autres présidents ont suivi des parcours académiques riches et ont mis à contribution leurs connaissances dans la lutte pour l’abolition de l’apartheid.
Nelson Mandela, l’avocat jusqu’auboutiste
Rien ne l’a empêché de croire et de poursuivre son combat pour la libération du peuple noir sud-africain. Ni les intimidations, ni les agressions, ni les multiples incarcérations, encore moins les procès en justice. Ce moral à toutes épreuves, le premier président de la République sud-africaine l’a acquis et cultivé dès sa jeunesse, grâce à l’éducation reçu de sa communauté, l’ethnie Xhosa, mais aussi, grâce à un cursus scolaire de qualité. Né le 18 juillet 1918, Rolihlaha Mandela est rebaptisé Nelson Mandela dès son entrée à l’école primaire. C’est sur ce nom qu’il poursuit son cursus primaire puis secondaire. Il obtient son diplôme d’étude secondaire et poursuit au Fort Hare University College, mais Nelson en est expulsé, à la suite de manifestations d’étudiants. Il ira par la suite à l’Université du Witwatersrand de Johannesburg, où, seul étudiant noir, il obtient son diplôme en droit en 1942. La même année, il intègre l’African National Congress, alors considéré comme parti politique modéré de la bourgeoisie noire.
Avec Oliver Tambo, l’ami qu’il rencontre au Fort Hare University Collège, Nelson Mandela fonde le premier cabinet d’avocats noirs en Afrique du Sud, puis, en mars 1944, crée la Ligue de la jeunesse de l’ANC. En 1948, l’apartheid est officialisée par le premier ministre sud-africain Daniel Malan. Nelson Mandela et Olivier Tambo parviennent à accéder à la tête de l’ANC avec la Ligue de la jeunesse et usent de tous les moyens de pressions pour abolir la ségrégation raciale. Avec ses associés, ils emploient des actions directes et publiques, qui visent l’abolition de la nouvelle législation. Pour cela, ils mettent en œuvre grèves, protestations et boycotts. Pour la cause qu’il défend, Nelson Mandela est jugé et jeté en prison, où il passe avec 27 ans, avec des dizaines d’autres combattants. Mais son combat finit par payer. Sorti de prison en 1990, Nelson Mandela se voit attribuer en 1993, le prix Nobel de la paix, en duo avec le président Frederik Willem de Klerk, sous qui le premier gouvernement multiracial a été créé et l’apartheid aboli. Un an plus tard, les toutes premières élections ouvertes à tous les Sud-Africains sont organisées, et Nelson Mandela en sort vainqueur. Son mandat va de 1994 à 1999. Mort en 2013, Nelson Mandela reste une icône mondialement reconnue et saluée, pour son engagement sans faille à conquérir la liberté.
Thabo Mbeki, l’économiste engagé
De la même tribu que Nelson Mandela, Thabo Mbeki a connu les mêmes violences et discriminations que lui. Et comme Nelson Mandela, malgré l’adversité de l’environnement sociopolitique dans lequel il a grandi, Thabo Mbeki s’est investi dans son éducation. Né en 1942 à Mbewuleni, dans la province du Cap oriental, en Afrique du Sud, le deuxième président sud-africain noir a fréquenté l’école primaire d’Idutywa et Butterworth, puis fait ses classes secondaires à Lovedale, Alice, en Afrique du Sud. En 1959, il est expulsé de l’école en raison de grèves d’étudiants et est contraint à poursuivre ses études à la maison. La même année, il présente le baccalauréat à la St. John’s High School, Umtata, puis passe à Johannesburg les examens du Advanced-level tels qu’ils se pratiquaient dans les écoles d’Angleterre, et obtient un diplôme d’économie en tant qu’étudiant externe à l’Université de Londres en 1962. Comme son père, il s’investit très jeune (14 ans) dans la lutte antiapartheid au sein de l’ANC, qui, à l’époque, était encore une association interdite. Son activisme politique ne l’éloigne pas des salles de cours. Thabo Mbeki décroche à l’Université de Sussex en Angleterre, une maîtrise en économie et obtient par la suite une distinction de cette université pour ses recherches en économie. C’était la première distinction honorifique que recevait un étudiant noir sud-africain dans cette université. Revenu à Johanerbourg en 1970, son engagement politique aux côtés de son père et de Nelson Mandela pour l’abolition de l’apartheid le contraint à l’exil sous la demande des dirigeants de l’ANC encore clandestine et traquée par les autorités gouvernementales. Alors que les uns ont été empoisonnés ou mis en derrière les verrous, Thabo Mbeki, a passé 28 ans en exil à Lusaka, en Zambie, dirigeant de la branche armée de l’ANC. De retour en Afrique du Sud après la libération de Nelson Mandela en 1990, son engagement le hisse d’abord au poste de vice-président du pays avec Frederik de Klerk en 1994, puis au sommet de l’ANC en 1997 (il est président de l’ANC jusqu’en 2007) et à la présidence de la République de l’Afrique du Sud de 1999 à 2008.
Cyril Ramaphosa, l’habile négociateur
Jusqu’ici, les présidents de la République d’Afrique du Sud ont ceci en commun qu’ils ont tous été des militants de première heure de la lutte anti-apartheid. Cyril Ramaphosa en était un aussi. Né dans le très populaire quartier de Soweto de Johannesbourg, le 17 novembre 1952, il entame ses études à l’école primaire Tshilidzi et enchaîne au lycée de Sekano Ntoane à Soweto. En 1971, il réussit son baccalauréat à l’école secondaire Mphaphuli de Sibasa, à Venda, où il est élu à la tête du Student Christian Movement. Il va ensuite étudier le droit à l’Université du Nord (Turfloop) dans la province de Limpopo en 1972. Il est alors âgé de 20 ans, lorsqu’il intègre cette université. Il adhère par la même occasion à l’Organisation des étudiants sud-africains (Saso), et est arrêté en 1974. Il reste emprisonné pendant onze mois, puis de nouveau en 1976, après les émeutes de Soweto pour six mois cette fois, accusé d’actes de terrorisme. Libéré, Cyril Ramaphosa devient assistant juridique pour un cabinet d’avocats de Johannesburg et poursuit ses études de droit par correspondance à l’Université d’Afrique du Sud (Unisa), où il obtient son diplôme d’avocat en 1981. En 1982, il devient le secrétaire général du Syndicat national des mineurs et est à ce poste lors des grèves de 1987, les plus grandes de l’histoire du pays.
Négociateur habile et stratège redoutable, il est invité à prendre part aux négociations des années 1990, sur l’abolition de l’apartheid, et l’ouverture des élections au sufrage universel en avril 1994. Il surveille également la rédaction de la Constitution de 1996. En 1997, et bien que considéré comme le poulain de Nelson Mandela, Cyril Ramaphosa perd les primaires de l’ANC face à Thabo Mbeki, et refuse le poste de ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Mandela. Il met en pause ses activités politiques pour se consacrer aux affaires. Moins de deux mois après avoir pris la tête du Congrès national africain (ANC) au pouvoir, Cyril Ramaphosa a officiellement succédé à la présidence du pays à Jacob Zuma, contraint de démissionner le 14 février 2018.
Canicha Djakba