Au Nigéria, ce ne sont pas les présidents les plus populaires qui sont les plus intellectuels. Tenez, le président en fonction Muhammadu Buhari, déjà en poste en 1983 et reconduit en 2010 puis en 2015, ne détient aucun diplôme de l’enseignement secondaire. Celui sanctionnant ses études primaires reste un sujet de discussion au Nigéria. A la dernière élection présidentielle, en l’incapacité de produire des copies de ce diplôme, pourtant exigé pour faire acte de candidature, le président Muhammadu Buhari s’est contenté d’expliquer que celui-ci aurait péri dans un incendie suite au coup d’Etat de 1983. Mais sans faire le procès du président de la première puissance économique d’Afrique, Makers vous fait découvrir ces hommes d’Etat de la République fédérale du Nigéria, vus sous l’angle études et diplômes.
Nnamdi Azikiwe, l’un des premiers docteurs du continent
Le Nigeria cesse d’être une colonie de la Grande-Bretagne en 1963. Et de fait, c’est un Nigérian qui prend désormais les rênes du pays. Nnamdi Azikiwe devient le tout premier président de la première République du Nigéria. Né en novembre 1904 et décédé en 1996, Nnamdi Azikiwe fait partie de l’élite intellectuelle de première du continent africain. En âge scolaire, il fait ses études au Nigéria puis s’envole en 1925 pour les Etats-Unis d’Amérique où il étudie à l’Université de Lincoln en Pennsylvanie et y obtient, quatre ans plus tard, son doctorat en anthropologie. Il retourne dans son pays natal en 1937 après un séjour deux ans plus tôt au Ghana, où il est rédacteur en chef d’un journal. Au Nigéria, il crée une chaîne de journaux dont le West African Pilot qui connaît un succès en Afrique de l’Ouest. En 1943, il s’investit dans la lutte pour l’indépendance de son pays et est l’un des membres fondateurs du National Council of Nigeria and Cameroon (NCNC devenu National Council of Nigerian Citizens) en 1944. Devenu président de ce parti politique, il entre au parlement en tant que conseil législatif du Nigéria, puis intègre l’assemblée de la « Nigeria Occidentale » qu’il dirige en 1958 en tant que Premier ministre.
Son activisme politique le hisse aux fonctions de gouverneur général du Nigéria puis président du Nigéria en 1963. Son mandat à la tête du pays prend fin, renversé par un coup d’Etat militaire mené par le général Johnson Aguiyi-Ironsi, mais sa casquette d’homme de sciences demeure. De 1972 à 1976, il est chancelier de l’Université de Lagos. Après moult infructueuses essais de reconquête du pouvoir, cette fois par les urnes, Nnamdi Azikiwe prend sa retraite politique et meurt à l’âge de 92 ans. Depuis, la Nation lui rend hommage grâce à des billets de 500 Naira estampillés à son effigie et l’Université de l’Etat d’Anambra porte son nom.
Olusegun Obasanjo, docteur à 81 ans
Trop occupé par sa carrière politique, ce n’est qu’à sa retraite qu’Olusegun Obasanjo s’est consacré à ses études. C’est en 2018, soit à l’âge de 81 ans, que le natif d’Abeokuta, dans l’Etat d’Ogun, a obtenu son diplôme de doctorat en théologie chrétienne à l’Université nationale ouverte du Nigeria (NOUN). Président du Nigéria à deux reprises, il a d’abord gouverné le pays sous gouvernement fédéral militaire en tant que général de l’armée en 1979. Il succédait à Murtala Muhammed, mort au pouvoir. Après avoir entrepris de restaurer le pouvoir civil dans son pays, il écrit une nouvelle constitution et organise des élections présidentielles qui portent Shehu Shagari à la tête du pays, en tant que premier président démocratiquement élu au Nigéria. Olusegun Obasanjo devient lui aussi le premier dirigeant du pays à céder volontairement son siège. Mais sa tentative d’instaurer la démocratie se solde par un échec. Après sa prise de fonction en 1979, Shehu Shagari est renversé en 1983 par le général Muhammadu Buhari, actuel président du Nigéria.
Mais des décennies plus tard, Olusegun Obasanjo revient aux affaires, cette fois en tant que président élu du Nigeria, de 1999 à 2007. Sur la scène diplomatique, il a plusieurs fois été le porte-étendard du drapeau onusien dans des crises sociologiques à travers le monde, mais perd les élections au poste de secrétaire général des Nations-Unis face à Boutros Boutros-Ghali en 1991.
Ernest Shonekan, le juriste des affaires
Ernest Shonekan est né le 9 mai 1936 à Lagos, dans le sud-ouest du Nigeria. De père fonctionnaire, il a fait ses études à la célèbre Church Missionary Society Grammar School de Lagos. Passées les études secondaires dans son pays, il se rend à l’Université de Londres où il obtient une licence en droit en 1962 et est admis la même année au barreau londonien. Deux ans plus tard, il retourne ensuite au Nigéria, et rejoint le département juridique de la United Africa Company (UAC), filiale du groupe de sociétés Unilever, en 1964. Peu de temps après, il bénéficie d’une bourse pour les Etats-Unis, où il reçoit une formation complémentaire en gestion à la Harvard Business School aux États-Unis d’Amérique. Ce qui le propulse au poste de conseiller juridique adjoint de l’UAC. Il rejoint le conseil d’administration de la société qu’il dirige à partir de 1980 en tant que président directeur général. C’est ce palmarès d’homme d’affaires, couplé à ses capacités managériales avérées et sa maîtrise de l’environnement des affaires et du droit qui attirent l’attention du gouvernement. Il est choisi par le général Ibrahim Babangida en 1993, alors chef de l’Etat, pour assurer la présidence du gouvernement de transition qui devra organiser quelques mois plus tard, les élections présidentielles démocratique au Nigéria. Son intérim n’aura duré que quelques mois, un nouveau coup d’Etat militaire ayant été organisé par le général Sani Abacha, qui instaurera un nouveau régime militaire dictatorial.
Umaru Yar’adua, l’enseignant pétrochimiste
Fils d’ancien ministre, Umaru Yar’adua commence sa scolarité à l’école primaire de Rafukka en 1958, enchaîne à l’internat de Dutsinma en 1962 puis au secondaire au Government College de Keffi de 1965 à 1969. En 1971, il obtient le Higher School Certificate qui sanctionne ses études secondaires à Barewa College. Toujours au Nigéria, il continue ses études secondaires à l’Université Ahmadu Bello de Zaria de 1972 à 1975, et y obtient une licence en éducation et en chimie. Il y retourne en 1978 et s’inscrit en pétrochimie cette fois, et obtient une maîtrise en chimie analytique. Des formations qui lui permettent de faire huit ans dans l’enseignement supérieur, avant d’être enrôlé dans plusieurs entreprises à partir de 1983. Simple employé, plusieurs fois directeur général et membre de conseil d’administration, il s’implique de plus en plus dans la politique et remporte le poste de gouverneur de l’État de Katsina en 1999 et y a été reconduit en 2003.
Membre du People’s Democratic Party, parti d’Olusegun Obasanjo au pouvoir, il bénéficie du soutien de ce dernier et remporte les élections présidentielles d’avril 2007. Il reste au pouvoir jusqu’en 2010, date de son décès des suites de mal cardiaque. Il est remplacé par le vice-président Goodluck Jonathan jusqu’aux élections de 2015.
Canicha Djakba