Du fait de nombreuses irrégularités découvertes dans ce classement des pays sur la base de leur environnement des affaires, la Banque mondiale s’est résolue à renoncer au Doing business. Que représentait-il pour les pays africains ? Le point avec Makers.
« Après avoir examiné toutes les informations disponibles à ce jour sur le rapport Doing Business, y compris les conclusions d’examens et audits antérieurs et le rapport rendu public aujourd’hui par la Banque au nom du Conseil des Administrateurs, la direction du Groupe de la Banque mondiale a pris la décision de mettre un terme à la publication du rapport Doing Business ». C’est en ces mots que l’information a été communiquée via une note de l’institution, signée le 16 septembre dernier. La Banque mondiale renonce donc à la publication du rapport Doing Business. Mais cela n’étonne pas vraiment. Depuis quelques années déjà, l’institution essuie de nombreuses critiques sur la crédibilité de ce classement. C’est d’ailleurs ce que confirme le rapport des audits commandé afin d’éclaircir des irrégularités décriées dans les éditions 2018 et 2019.
« Après que des irrégularités dans les données des éditions 2018 et 2020 du rapport Doing Business ont été signalées en interne en juin 2020, la direction de la Banque mondiale a suspendu l’édition suivante et lancé une série d’examens et d’audits du rapport et de la méthode utilisée pour l’établir. Par ailleurs, parce que les rapports internes ont soulevé des questions d’éthique, concernant notamment la conduite d’anciens responsables du Conseil des Administrateurs ainsi que de certains employés actuels et anciens de la Banque, la direction a porté les allégations relatives aux mécanismes internes appropriés de reddition de comptes de la Banque », ajoute l’institution de Bretton Woods. Entre autres manquements éthiques, il est reproché à la Banque mondiale un manque d’indépendance, précisément en faveur de ses plus gros contributeurs (Etats-unis, Chine…), mais aussi, son penchant pour les pays anglo-saxonnes et bien plus, sur le fonds, le fait que la Banque mondiale ne saurait être juge et partie, car d’un côté elle finance et conseille les gouvernements des pays pauvres ou en crise, et de l’autre, elle leur donne une note qui joue un rôle déterminant pour leur avenir. Autant de critiques qui ont conduit 360 organisations ou chercheurs dans le domaine de l’économie et du développement à signer une pétition pour réclamer l’arrêt des classements Doing Business en mars dernier.
Une nouvelle approche en remplacement du Doing Business
La Banque mondiale reste tout de même optimiste, et envisage une nouvelle approche. « A l’avenir, nous nous emploierons à élaborer une nouvelle approche pour évaluer le climat des affaires et de l’investissement. Nous sommes profondément reconnaissants des efforts déployés par les nombreux membres du personnel qui ont travaillé avec diligence à promouvoir le programme sur le climat des affaires, et nous avons hâte d’exploiter leurs énergies et leurs capacités de nouvelles manières », renseigne la note. « Le Groupe de la Banque mondiale reste fermement déterminé à promouvoir le rôle du secteur privé dans le développement et à aider les pouvoirs publics à concevoir l’environnement réglementaire qui soutient ce rôle », précise l’institution.
10 critères évalués dans le Doing Business
Le projet Doing Business mesure la réglementation des affaires et son application effective dans 190 économies et dans certaines villes au niveau infranational et régional. Lancé en 2002, le classement Doing Business analyse les petites et moyennes entreprises au niveau national. Le premier rapport Doing Business a été publié en 2003, il y a 18 ans. Évoluant au fil des ans, il s’établit sur 10 critères que sont notamment la facilité de faire des affaires, le classement filtré, la création d’entreprise, l’obtention d’un permis de construire, le raccordement à l’électricité, le transfert de propriétés, l’obtention de prêts, la protection des investisseurs minoritaires, le paiement des taxes et impôts, le commerce transfrontalier, l’exécution des contrats, le règlement de l’insolvabilité.
En Afrique, bien plus qu’un classement, un indicateur !
En Afrique, bien que souvent contesté par les gouvernements mal notés, le Doing Business représentait bien plus qu’un classement, une appréciation capitale qui conditionne en quelque sorte l’accès aux financements des bailleurs de fonds. Car en plus de favoriser l’investissement privé étranger dans le pays, le classement Doing Business était aussi une sorte d’indicateur pour les grandes institutions financières internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI), qui s’en inspirait pour signer des programmes économiques et financiers avec les pays. Certains pays tel que le Rwanda y était si attaché que les milieux d’affaires lui reprochaient de ne mettre en œuvre des réformes que pour améliorer son ranking mondiale. Chose qui lui réussissait bien, puisqu’au dernier classement, le Rwanda était classé 2e pays propice au développement de l’environnement des affaires en Afrique, et 38e au niveau mondial. Il se situait juste derrière Maurice, 13e mondial et premier en Afrique. Le Maroc était troisième en Afrique et 53e dans le monde. Les dix pays en queue du classement mondial étaient la Somalie (190e/190), l’Érythrée (189e), la Libye (186e), le Sud-Soudan (185e), la Centrafrique (184e), la RDC (183e), le Tchad (182e), le Congo (180e), la Guinée équatoriale (178e) et l’Angola (177e).
Canicha Djakba
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